Paris, 9 mars 1999
RELAXES ET DISPENSES DE PEINE
-o--o--o---o-
Le verdict est tombé dans l'affaire du sang contaminé concernant trois anciens ministres.
Il faudrait dire un ancien Premier ministre, un ancien ministre des affaires sociales et un ancien secrétaire d'Etat à la Santé.
Petit tableau de situation
Les trois accusés ont comparu ces dernières semaines devant la Cour de Justice de la République, instance née du dépoussiérage de la Haute Cour. Ils y avaient été traduits après les plaintes de victimes du virus du SIDA transmis par transfusion sanguine au milieu des années 80.
Les plaintes de seulement 7 victimes avaient été retenues. C'était pour correspondre à une époque, l'année 1985, où d'éventuels retards dans des décisions ou une mauvaise application de celles-ci, auraient pu être à l'origine de leurs contaminations.
Ce n'était donc pas le procès des responsables des milliers de contaminations et de morts recensés en France. Pour cela il aurait fallu plus de plaintes et surtout, plus de prévenus dans le box. La lassitude des victimes, leur mort, leur état de santé, ne leur ont pas permis d'apporter leurs témoignages. De plus, devant la Cour de Justice, ces témoignages n'auraient pas pu être entendus.
Les autres instances
Déjà, en 1991, les docteurs Michel Garretta et Jean-Pierre Allain directeur général et chef de service du Centre National de Transfusion Sanguine, avaient comparu devant une juridiction correctionnelle. Les docteurs Roux et Netter, respectivement directeur général de la santé et directeur du laboratoire national de la santé (services dépendant du ministère) comparaissaient devant la même instance. Ils y avaient été condamnés assez lourdement au regard des peines encourues pour le motif d'inculpation, mais bien en deçà de ce qu'attendaient les victimes. Ces peines sont purgées.
Aucun enseignement n'avait pu être tiré des audiences de 1991 (puis de 1992 en appel), pour éviter à l'avenir un nouveau drame de ce type, en matière de santé publique. La réforme de la transfusion sanguine, devenue indispensable selon le
discours du secrétaire d'Etat à la Santé, Edmond Hervé le 25 mai 1985 à Bordeaux, n'était même pas encore enclenchée 6 ans après !Une prochaine instance est prévue dans les mois qui viennent (sans doute pas avant l'an 2.000). Le juge d'instruction chargé de l'affaire a mis en examen quelque 32 personnes, médecins, membres des cabinets ministériels, fonctionnaires, pour les mêmes faits remontant à la même époque. La qualification criminelle étend la période visée (la prescription de 3 ans en matière de délits passe à 10 ans en matière criminelle) et ajoute de nouveaux faits à ceux en cause dans le procès correctionnel de 1991. On retrouvera de ce fait des personnes déjà jugées pour des faits similaires ce qui ne manquera pas de poser des problèmes juridiques complexes. L'instruction aura duré plus de 6 ans ! Le nombre de dossiers est considérable.
On peut d'ores et déjà s'attendre à de belles empoignades dans ce prochain procès. On peut aussi dire qu'il n'en ressortira pas de satisfaction. Ni du coté des accusés auxquels le terme "empoisonnement", avec son coté "volonté de donner la mort", paraît inacceptable, ni du coté des victimes qui n'obtiendront pas les condamnations qu'elles attendent face à leur détresse.
Le verdict de la Cour de Justice
Le verdict est donc tombé. La relaxation pour Laurent Fabius, Premier ministre à l'époque des faits et Georgina Dufoix, ministre des affaires sociales. Seul Edmond Hervé, Député-Maire de Rennes, secrétaire d'Etat à la Santé à l'époque, est reconnu coupable dans la gestion de ce qui est devenue l'affaire du sang. Il est dispensé d'une peine dont on ne sait pas ce qu'elle aurait été.
Les leçons à tirer
Depuis le début de l'étude de cette affaire dite "du sang contaminé", on attend les leçons à en tirer pour éviter que pareil drame ne se reproduise.
Il semble évident que confier le rôle d'experts, conseillers du gouvernement, à des personnes juges et partie était une hérésie. On doit hélas constater que l'on a souvent continué dans cette voie ! Ce n'est qu'en 1993 que Bernard Kouchner, devenu ministre de la Santé, à mis en place la nouvelle structure de la transfusion sanguine française avec des organismes de contrôle indépendants.
Il n'y a pas qu'en ce domaine que le mélange des genres pourrait un jour créer de beaux désastres et atteindre l'intégrité physique ou morale des personnes. Pensons à l'agriculture, à l'industrie, la défense et pourquoi pas, à l'enseignement pour n'en citer que quelques-uns.
Le prochain procès apportera-t-il plus à ceux qui se battent pour connaître la vérité sans esprit de vengeance ni de préoccupations financières ?
Car après le SIDA, et parce que l'Univers a toujours été régi par une succession de guerres, de catastrophes, naturelles ou pas, nous savons qu'il nous faudra faire face à d'autres drames du même genre.
On peut déjà par exemple imaginer les séquelles conjuguées de la Maladie de la vache folle et de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob si la sagesse ne triomphe pas.
Lorsque je dénonçais la mort en stock en 1985, en expliquant pourquoi les produits sanguins devaient être détruits (
dépêche AFP du 17 juillet 1985 et autres documents), je ne pensais pas être le seul à avoir cette opinion.